jeudi 1 novembre 2012

Une agriculture prisonnière des pesticides, et des intérêts économiques

Dans de précédents posts, ici et par exemple, j'avais évoqué une particularité de l'agriculture française : sa grande consommation de produits chimiques et par là, la faiblesse de son agriculture bio, et la nécessité d'importer des produits bios d'autres pays, pour répondre à la demande nationale.
Un article du Monde des 28-29 octobre s'est penché sur les raisons de cette addiction. Rappelant que le plan Ecophyto, lancé suite au Grenelle de l'environnement de 2008, avait pour objectif de réduire de moitié l'usage des pesticides en 2018, l'article constate que les ventes de pesticides ont continué de grimper de 2,6% par an entre 2008 et 2011. Seule la réglementation européenne a réussi à faire baisser la consommation de certains produits, du fait de l'interdiction de 53 produits parmi les plus dangereux.
Les habitudes et l'éducation des agriculteurs seraient-elles seules en cause dans la faiblesse des résultats obtenus ?
L'article du Monde rappelle que les agriculteurs sont loin d'être indépendants dans leurs choix.
Ils dépendent notamment de leur coopérative pour écouler leurs productions :
"La coopérative impose ses propres critères, exige des rendements, tout en fournissant les conseils et parfois les pesticides qui permettent d'y parvenir. Elles rédigent des cahiers des charges très précis pour répondre aux exigences de la grande distribution, voire de l'usine agroalimentaire dans laquelle elle a elle-même souvent des intérêts. le terme de "coopérative" désigne en effet des groupements de dimension internationale aux intérêts diversifiés. Le chiffre d'affaire de In Vivo, par exemple, spécialisée dans les céréales, dépasse 6 milliards d'euros."
Cette situation a été mise en avant dans un rapport parlementaire conduit par Nicole Bonnefoy (sénatrice). Le rapport souligne également les conflits d'intérêts parmi les groupes d'experts qui conseillent les pouvoirs publics. Les chambres d'agricultures comptent à leurs têtes de nombreux dirigeants de grandes coopératives alors que ce sont elles qui impulsent ou non les changements. Le plan Ecophyto repose sur elles.

Alors que médecins et scientifiques ont depuis longtemps averti les politiques sur les dangers de la pollution environnementale, c'est le pouvoir économique  qui décide in fine de nos choix globaux de société.
Un article de Libération du 30 octobre constatait d'ailleurs l'influence du patronat sur les décisions du gouvernement. L'article rapporte ainsi les propos de la députée Karine Berger "C'est un gouvernement social-démocrate par excellence, et ses membres sont tous des amis des entreprises."
Bien que nos choix de consommateurs peuvent infléchir les choix économiques, l'opposition à  certaines décisions nécessite une opposition active.
Le numéro du 31 octobre de Libération revenait ainsi sur le projet de l'aéroport Notre-Dame des Landes, soutenu depuis toujours par tous les élus locaux de droite comme de gauche "C'est un outil de développement régional, et les 600 hectares libérés qui seraient libérés au sud de Nantes permettraient l'expansion de l'agglomération"
Les "anti" constatent pourtant que la modernisation de l'actuel aéroport suffirait aux besoins de la ville "L'aéroport de Genève lui aussi n'a qu'une seule voie pour un trafic bien supérieur" rapporte une manifestante. Finalement, nous constatons que nos sommes prisonniers d'un modèle de société basé sur la croissance économique à tous prix, défendu par de puissants intérêts, et par un choix de société.
D'autres modèles existent pourtant, dont il serait urgent de s'inspirer.



Serge Latouche - La Décroissance par planetendanger