dimanche 21 février 2016

Santé au travail


La "santé "ne passe pas seulement par la bonne santé physique. C'est un ensemble qui comporte aussi la santé psychique et notamment l'estime de soi. Le lieu de travail où l'on passe une grande partie de notre vie est un endroit où notre santé et notre bien-être peuvent être malmenés. Description du processus destructeur du management du personnel dans le monde des "entretiens d'évaluation individuel"



"Un des changements essentiels ayant eu lieu dans le management taylorien et bureaucratique a été l'introduction d'un traitement différencié des salariés d'une même catégorie en fonction de leurs résultats et de leurs engagements. Sous l'apparence d'une gestion équitable des écarts individuels de productivité, l'individualisation du travail s'est montrée une forme de domination particulièrement perverse, destinée à obtenir une soumission "librement consentie", ou ce que La Boétie désigna comme "servitude volontaire" ; autrement dit, se soumettre avec l'illusion de ne pas y être obligé et d'avoir le choix de réaliser les objectifs.
La gestion individualisée des "ressources humaines" couvre l'ensemble du processus des recrutements, des primes, des promotions, des mobilités jusqu'aux licenciements. L'entretien individuel d'évaluation est la pièce maîtresse du dispositif d'individualisation. Des millions d'employés et de cadres rencontrent une, deux ou trois fois par an leur "n + 1", pour dresser un bilan sur les objectifs qu'ils ont ou non atteints et pour fixer les prochains à venir. Chacun sait que le bilan détermine la hauteur des primes au mérite versées, pudiquement nommées "part variable", les éventuelles promotions, mais aussi la liste des personnes à licencier.
Mais qu'est-ce qui est réellement évalué ? L'activité de travail réside dans la mise en oeuvre concrète de savoirs et savoir-faire professionnels, d'expériences et de créativités personnelles, de capacités de coopération. Nous en faisons tous le constat répété : par rapport à ce qui lui est demandé, le salarié doit réagir en permanence aux événements imprévus qui perturbent le déroulement réputé normal des tâches prescrites. Sa réaction, quand elle est inventive et singulière, peut résoudre de multiples problèmes, grands et petits. L'inventivité personnelle (les "tours de main", l'expérience, les "ficelles du métier", le "système D") correspond à notre désir d'être utile ou au plaisir du travail bien fait (que les Compagnons appelaient avec fierté "la belle ouvrage") que la sociologie du travail désigne comme étant le travail réel par rapport au travail prescrit.  
(...) La capacité d'initiative et la contribution singulière  au travail collectif  appellent la reconnaissance des pairs et de la hiérarchie. Mais ce travail singulier et créatif de chacun ne se mesure pas et ne peut pas se mesurer. Les critères d'évaluation ne se réfèrent pas qu'aux objectifs fixés et aux tâches prescrites, lesquels sont quantifiés, c'est-à-dire traduits en chiffres et en "ratios", pour donner lieu à notation lors de l'entretien. Tel salarié qui n'a pas fourni la meilleure qualité de travail peut très bien avoir atteint le rendement exigé si son environnement a été favorable, par rapport à un autre qui travaille mieux dans des conditions plus difficiles. On comprend dès lors que les sentiments d'injustice puissent se multiplier et être à l'origine de souffrances. Les médecins du travail témoignent souvent que des personnes demandent à les consulter en sortant d'entretien d'évaluation à la suite de montées d'angoisse.
En fait l'évaluation individuelle devient essentiellement un dispositif de pouvoir managérial pour contraindre les salariés à la performance maximale, et aussi les empêcher de contester leur autorité et les pressions de l'organisation du travail. L'évaluation de la performance, la recherche des primes et des promotions produisent une concurrence de fait entre les salariés d'un même atelier ou service. Et il n'est pas rare que les travailleurs les plus anciens se plaignent de la perte des solidarités, de l'entraide et du respect mutuel qui régnaient dans les équipes, au profit d'une lutte des uns contre les autres pour obtenir les meilleures primes et les meilleures places, ou au pire pour ne pas être virés. En lieu et place de contester l'arbitraire patronal, c'est à qui sera le meilleur, les "mauvais" étant montrés du doigt jusqu'à être affichés à l'entrée des centres d'appel.

L'évaluation exige aussi des salariés un comportement et une adhésion conformes aux exigences managériales. Les critères de savoir (formation) et de savoir-faire (expérience et ancienneté) permettaient de mesurer la qualification professionnelle. Depuis une trentaine d'année, cette notion de "qualification professionnelle" s'est effacée au bénéfice de la "compétence" englobant le "savoir être": capacité de relation, de communication, d'engagement, d'initiative, d'autonomie, d'obéissance, etc. Inacceptable auparavant, le jugement porté sur le comportement personnel au travail a introduit l'arbitraire dans l'évaluation, d'autant qu'il repose sur des critère subjectifs quantifiés dans des systèmes obscurs de notation, alors que la mesure des comportements est en réalité impossible tant elle dépend de facteurs qualitatifs et circonstanciels. Cet aspect est essentiel. Il montre que la mobilisation de l'énergie dans le travail ne concerne plus seulement l'engagement physique et professionnel, mais aussi toute la personnalité du salarié. La direction et l'organisation du travail ont introduit la subjectivité dans l'évaluation professionnelle, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus intime en nous-mêmes : notre affectivité et notre psychisme. Il n'est pas étonnant que ce changement soit générateur de souffrances ou de "risques psychosociaux", lorsque notre personnalité est engagée dans la réussite ou l'échec de notre travail, de notre lien avec les collègues et avec l'encadrement."



B. Floris & M. Ledun, La vie marchandise, Editions La Tengo, 2013, pp. 188-191

samedi 9 janvier 2016

Les glucides. Sucres rapides, sucres lents et "Fast food"

Les glucides, ou sucres, sont les premiers fournisseurs d'énergie de nos cellules. On les classe en deux catégories. Les sucres dits simples sont composés de petites molécules : ce sont les saccharoses (le sucre courant), le lactose (sucre du lait), le fructose (sucre des fruits) et le glucose. Ils se distinguent des sucres complexes, formés de très grosses molécules. Le plus courant des sucres complexes est l'amidon, qui se trouve dans les féculents (pâtes, riz, pommes de terre, légumes secs) les céréales et les farines.
Au cours du processus de digestion, tous ces glucides sont dégradés et transformés en glucose, qui nourrira les cellules par l'intermédiaire du sang. La différence entre sucres simples et complexes, c'est qu'ils n'agissent pas en même temps. Les premiers sont dits rapides, car ils passent rapidement dans le sang et peuvent donc être utilisés immédiatement. les seconds, du fait d'une digestion lente, vont passer dans les cellules au fur et à mesure. Mais attention : selon certaines conditions (raffinage, notamment) certains sucres complexes peuvent devenir rapides : c'est notamment le cas du pain blanc et des pommes de terre pelées. A l'inverse, l'absorption de glucides est ralentie lorsqu'ils sont consommés en même temps que les autres nutriments, associés aux fibres contenues dans les légumes, les fruits et les céréales complètes.


Lorsque le taux de glucose dans le sang (que l'on nomme glycémie) augmente, le pancréas sécrète une hormone, l'insuline, qui va stimuler le transport de ce glucose vers les cellules pour faire baisser la glycémie.
Si l'on apporte d'un coup une grande quantité de sucres rapides et très peu de sucres lents (le repas fast-food en est un exemple !), on déclenche une très forte sécrétion d'insuline, qui fera baisser la glycémie en faisant entrer le sucre dans les cellules. Un excès que le corps transformera en molécules de graisse et stockera en majorité dans nos cellules de réserve, les adipocytes.
On pourrait croire qu'ensuite, en l'absence d'apport de glucides, le corps ira puiser dans ces réserves, et tout rentrera dans l'ordre. Malheureusement, l'action de l'insuline continue alors que tout le sucre a déjà été assimilé, entraînant une légère "hypoclycémie" génératrice de fringale... que l'on sera tenté de calmer avec des produits sucrés. Et c'est le cercle vicieux : "Le sucre appelle le sucre" ! Cette spirale  ne peut être rompue que si notre alimentation comporte suffisamment de sucres lents, qui apporteront du "carburant" durant des heures. Voilà pourquoi les nutritionnistes recommandent une proportion de 2/3 de sucres lents contre 1/3 de sucres rapides.

B. Montelh, Les secrets des vitamines et oligo-éléments, Larousse, 2011, pp.10-12