La diffusion des préoccupations écologiques et environnementales dans les différents publics (grand public, monde politique, communauté scientifique, monde associatif) a connu une brusque accélération entre les années 1960 et le début des années 1970. En 1972 est publié le rapport The Limits to Growth (1972) par Donella et Dennis Meadows et Jorgen Randers. La même année se tient la conférence de Stockholm de l'ONU sur l'environnement, de même que l'adoption de la Convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets. Greenpeace est créé en 1971, quand des militants nord-américains s'opposent à des essais nucléaires US en Alaska. Dans les années soixante le public avait déjà été touché de certaines catastrophes de grande ampleur comme le naufrage du pétrolier Torrey Canyon (1967). Il avait aussi été alerté par la disparition de certaines espèces sauvages, notamment les baleines : WWF est créé en 1961. En 1962 la biologiste américaine Rachel Carson publie Silent Spring qui suggère que le DDT et les autres pesticides peuvent provoquer le cancer et détruire la vie sauvage, en particulier les oiseaux. L'ONG Les Amis de la terre avait été créée en 1969. James Lovelock publie ses théories sur Gaia dans les années 1970. Paul R. Ehrlich publie The Population Bomb en 1968 qui fait prendre conscience des limites de la Terre par rapport à l'augmentation de la population. Parallèlement le terme d'ethnocide est remis au goût du jour à partir de 1970 : les cultures minoritaires sont détruites la civilisation occidentale.
Aujourd'hui les différentes préoccupations écologiques ont toujours leur place dans le débat public, politique ou scientifique. L'écologie a même trouvé une place dans le monde des producteurs économiques : le "développement durable" traduit l'idée développée par certains qu'il est possible de faire cohabiter le modèle économique capitaliste avec les préoccupations environnementales.
Car au bout du compte, tout le problème se situe bien là : c'est le système de production économique "occidental" et son corollaire la société de consommation, qui cause des dommages majeurs à l'éco-système et par-là - au minimum - à la santé de l'Homme.
Ce qui nous frappe aujourd'hui, c'est que les ouvrages publiés à cette époque sont toujours d'actualité, une voire deux générations plus tard.
Extraits d'un ouvrage publié en 1973 par Pierre Samuel, fondateur du groupe écologiste Survivre et vivre (1970), avec Alexandre Grothendieck et Claude Chevalley : Ecologie : détente ou cycle infernal (pp. 179-181)
"Pour augmenter le rendement, on fait absorber aux volailles des hormones qui accélèrent leur croissance ; les effets cancérigènes et sexuels de ces hormones commencent à être connus. Afin d'éviter les maladies du bétail, on procède fort brutalement : on mélange des antibiotiques à sa nourriture, que les bêtes soient malades ou non. Or on sait bien que les microbes deviennent résistants aux antibiotiques (…). Non contente d'ajouter à notre nourriture des produits aux effets plus que douteux, l'industrie alimentaire enlève aux produits naturels des éléments très importants pour l'équilibre de notre alimentation. Un exemple classique est celui du pain : les procédés actuels rejettent de la farine le germe de blé, pourtant une source remarquable de vitamines et de protéines (…)
De plus, lorsque l'industrie alimentaire prétend mettre sur le marché des aliments particulièrement nutritifs, il ne faut pas la prendre au pied de la lettre. On fait, par exemple, beaucoup de bruit dans les pays anglo-saxons et nordiques sur la valeur nutritive des céréales pour petits déjeuners, en particulier en vue de la croissance des enfants. Certaines sont fort bonnes. Mais des études ont montré que beaucoup des céréales sur le marché contiennent bien plus de sucres que de protéines, de vitamines et d'éléments minéraux. "
"Revenons au coeur des tensions alimentaires sur nos corps. Les protéines sont des composants indispensables de notre alimentation. Dans les pays occidentaux, la nourriture de la majorité de la population est riche en protéines, mais elles sont le plus souvent d'origine animale, ce qui entraîne deux inconvénients.D'une part, sauf dans le cas du poisson, elles sont accompagnées de graisses dites "invisibles", dont la consommation excessive est une des causes de l'augmentation considérable des maladies "de civilisation". D'autre part le passage par l'intermédiaire animal est une voie fort dispendieuse de se procurer des aliments : la consommation directe des produits végétaux requiert en gros sept fois moins de surface qu'une consommation équivalente de produits animaux ; il est tristement paradoxal que, pour leur alimentation et celles leur bétail, les pays riches importent des protéines venant du tiers Monde. Ainsi une meilleure production et une plus grande utilisation directe des protéines végétales - venant par exemple des céréales complètes et des légumineuses (haricots, pois chiches, etc.) - sont très souhaitables. Une oreille plus attentive devrait être portée à ce que disent sur ce sujet les mouvements pour une alimentation naturelle. Mais cela n'implique nullement de renoncer à toute nourriture d'origine animale : elle est agréable à beaucoup de palais et il y'a des terres qui se prêtent bien mieux à l'élevage qu'à la culture." Pierre Samuel, pp. 193-194
Ces deux petits exemples illustrent bien que les thématiques abordées en 1973 sont toujours les mêmes en 2014. Cela s'est même aggravé : les protéines provenant des poissons sont aujourd'hui largement polluées.
Si l'écologie a remporté des succès, cela se situe pour l'instant à la marge : agriculture biologique, interdiction de certains gaz, protection de certaines espèces, parcs naturels…
Le système responsable des différentes aberrations écologiques n'a pas changé.
Un exemple de "succès" qui peut être cité est celui du recyclage des déchets.
Pierre Samuel écrivait en 1973 (pp. 384-386) : "Notre société industrielle organise ses processus de façon linéaire : elle s'occupe un peu de l'origine des matières premières qu'elle utilise, beaucoup de leur transformation en produits et du transit de ces produits à travers la société, et pas du tout de ce qu'ils deviennent ensuite.(…) elle veut ignorer que les processus de la vie se font par cycles et que, sur Terre, la vie n'aurait pu se maintenir pendant des milliards d'années, et encore moins évoluer, si les déchets d'une espèce ne devenait pas la nourriture d'une autre. Il y a donc grand intérêt à composter nos déchets ménagers afin qu'ils servent d'engrais. ces déchets sont des matières organiques complexes et "nobles" ; le compostage, opération chimique douce, conserve l'ordre de complexité de leurs molécules ; la combustion, opération brutale, détruit cette très utile complexité.
Il y a aussi du papier, des matières plastiques, des métaux et du verre. Chacun de ces produits est intéressant et se prête au recyclage. c'est bien connu pour le papier et les métaux, et les récipients de verre non brisés sont réutilisables. la question est peut-être moins bien au point pour les matières plastiques, mais, si on s'en donne la peine, elle est surement à la portée de notre habileté technique. (…) Laisser perdre ces remarquables produits serait manquer de respect à la fois pour les millions d'années où des micros-organismes vivants ont accumulé l'énergie solaire dans les liaisons chimiques du pétrole, et aussi pour les habiles chimistes qui ont su transformer ce pétrole en matières plastiques. Le dégagement d'acide chlorhydrique est le symptôme que nous ne faisons pas ce qu'il faut en les brûlant.
Ainsi, un recyclage cohérent de nos déchets ménagers exigerait qu'ils soient séparés (déchets de nourriture et fibres textiles naturelles, papier, matières plastiques, verre, métaux) et qu'on ne les mélange pas aux déchets industriels. (…) Mieux vaudrait que chaque ménage dispose de 4 ou 5 poubelles ou sacs d'ordure."
Aujourd'hui, le tri et le recyclage sont une réalité, même si tous les déchets ne sont pas encore entrés dans ce cycle de vie.
Qu'est-ce qui fait qu'une préoccupation écologique se traduise dans les faits ?
Dans le cas de l'agriculture biologique ou du recyclage, la réussite tient à ce que l'écologie a rencontré l'intérêt économique : le "bio" rapporte car il y a un marché pour ces produits. De même le recyclage dégage aujourd'hui des milliards d'euros de chiffre d'affaire par an en France, en particulier car le prix des matières premières est en hausse au niveau mondial.
Le chemin a été long. Le recyclage fonctionne bien qu'il coûte aux ménages en termes d'impôts locaux et de "liberté" (il est plus facule de tout jeter en une seule poubelle que de trier). Heureusement la majeure partie des "ménages" comprend bien que mieux vaut recycler que de voir des décharges au bord des routes (pollution visuelle et olfactive) ou de risquer une pollution majeure via décharges interposées.
Dès le 15 juillet 1975 est arrêtée la directive de l'Union européenne relative aux déchets. La France la transpose par la loi no75-633 du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux.
Aujourd'hui, la préoccupation du recyclage se traduit via le développement du réseau des "Ressourceries".
Inversement, la pollution des algues vertes sur les plages de Bretagne n'a rien changé au modèle économique d'élevage du porc dans cette région.