vendredi 11 juillet 2014

Le retour du savon de Marseille

Le retour du savon de Marseille ?

Source : http://www.label-savon-de-marseille.fr/Le-label_a21.html


Le véritable savon de Marseille fait son « retour » au travers de différentes initiatives relayées par les médias, en de multiples occasions comme ici, ou encore  (NB : liens vers des vidéos malheureusement précédées de publicité). Ce « retour » semble coïncider avec plusieurs faits de société.
-  1. L’intérêt conjoncturel, dû à la crise économique, porté au « Fabriqué en France », voire à l’artisanat local.
-   2. L’intérêt porté aux « marques déposées » et « appellations d’origine contrôlée », réaction au développement massif, soit des imitations illégales, soit des appellations fallacieuses, soit de l’invasion de produits « typiques » fabriqués à l’étranger dans des pays aux coûts de main d’œuvre largement inférieurs aux coûts français et européens, ou au développement de ces éléments combinés ensembles : produit « local » imité et entré en France illégalement depuis un pays « en voie de développement ».
-3. Le souci porté par les associations de consommateurs notamment, à connaître précisément la composition des produits contenant des éléments pouvant nuire à la santé.
Chacun de ces trois sujets a été couvert de manière massive par les médias dans le cadre d’ « affaires» ayant eu des conséquences juridiques. Que l’on se souvienne du « couteau de Laguiole », du                  « Médiator », ou du Bisphénol A.

Concernant le savon de Marseille, nous avons une combinaison des deux premiers facteurs. Les savonneries de Marseille sont passées de 90 au début du XXe siècle (pour 180 000 tonnes produites en 1913), à quatre aujourd’hui.
Aujourd’hui de nombreux savons, soi-disant « de Marseille », ou portant des dérivées du nom de Marseille (Marseillais...), n’ont absolument rien à voir avec le véritable savon de Marseille tel que la recette à base végétale en a été fixée par  François Merklen  en 1906 : 63 % d’huile de coprah,  d'olive, 9 % de soude ou sel marin, 28 % d'eau.
La qualité du savon de Marseille avait été réglementée dès 1688 sous le règne de Louis XIV : « On ne pourra se servir dans la fabrique de savon, avec la barrille, soude ou cendre, d'aucune graisse, beurre ni autres matières ; mais seulement des huiles d'olives pures, et sans mélange de graisse, sous peine de confiscation des marchandises »

Aujourd’hui, la plupart du temps, le savon n’a pas été fabriqué à Marseille, ni dans sa région, et contient des graisses animales, désignées dans la liste des composants par l’appellation : SODIUM TALLOWATE. Se laver consistant presque à utiliser autant de graisse animale que pour la fabrication d'une saucisse ...
Le Sodium Palmate ou le Sodium Palm Kernelate indiquent les savons à base d’huile de palme. Le Sodium Cocoate indique un savon composé à partir d’huile de coprah et le Sodium Olivate à base d’huile d’olive. Les  sels de soude sont indiqués par le terme de Sodium Hydroxide.
Faux savon de Marseille : Sodium tallowate, parfum... L'odeur de miel, ici, ne doit pas cacher l'original animale du Sodium Tallowate

Comme l’indique l’édit de Louis XIV, le problème de la contrefaçon du savon de Marseille n’est pas nouveau.
Cependant, les données du problème sont aujourd’hui complètement différentes.

Ainsi, la « contrefaçon » se double d’un problème santé et/ou d’environnement. Les savons se composent souvent de produits issus de la pétrochimie : EDTA, Tetrasodium Etidronate, Sodium C12-13 Pareth Sulfate, Glycol Distearate, Styrene/Acylates Copolymer, etc. Si leur capacité nettoyante n’est pas en cause, ces produits sont très polluants voire dangereux pour la santé.

Le problème qui se pose au « véritable » savon de Marseille rejoint aussi les problèmes qui se posent aux produits alimentaires d’origine BIO mis en concurrence face aux produits issus de l’industrie agro-alimentaire.
La consommation de viande a largement augmentée au cours de la période contemporaine. En France, on serait passé d’une consommation de 19 kg au début de XIXe siècle, à environ 40 kg entre 1885 et 1925, avec une augmentation constante jusqu’à la fin du XXe siècle avec plus de 100kg par an/habitant. Elle se serait stabilisée à environ 89 kg  depuis quelques années.
Vu le niveau de consommation de viande, l’industrie agro-alimentaire produit massivement des ingrédients ou composants dérivés de substances animales. Cette production n’est pas nouvelle ; la chasse à la baleine avait pour motivation principale la recherche de graisse animale servant entre autres pour les cosmétiques. On produit des cosmétiques à base animale depuis des milliers d’années. Mais la quantité est une donnée nouvelle.
La chasse à la baleine. Source : http://jso.revues.org/5332?lang=en


Ainsi la combinaison de la production massive de substances animales dérivées et de produits dérivés du pétrole, contribue largement à la possibilité de produire des savons à très bas prix.

Au contraire, les produits tels que les véritables savons de Marseille sont relativement difficilement trouvables sur le marché, et coûtent plus chers que les savons normaux.

S’y ajoute la concurrence avec des produits bien plus attrayants en terme de « marketing » : gels douches et savons parfumés au saveurs exotiques, aux textures toujours plus sophistiquées…

Ainsi le « retour » massif du véritable savon de Marseille semble-t-il largement compromis. La faute à une combinaison de facteurs économiques variés que nous avons vus dans cet article.

Heureusement, le véritable savon de Marseillle et les autres savons d’origine naturels ont-ils encore un « public » qui très souvent a choisi en toute conscience de cause de ne plus acheter un certain type de savons/gels douche, pour une meilleure santé, moins de pollution, par simple conviction voire par geste politique.


Savon d'Alep

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